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Si on m’avait dit il y a encore quelques années que je me présenterais un jour sur la ligne de départ d’un IronMan, je ne l’aurais pas cru. Non pas que l’idée ne me tentait pas, mais j’étais alors surtout passionné de course à pied, je faisais très peu de vélo et, surtout, j’avais beaucoup d’appréhension chaque fois que je nageais en eaux libres. Le triathlon m’ayant toutefois toujours tenté, je m’y suis mis progressivement, commençant par de très courtes distances pour, petit à petit, aller jusqu’au half IronMan.

Lorsqu’un ami ayant commencé le triathlon en même temps que moi m’a proposé de m’inscrire à un IronMan, j’ai hésité quelque temps, avant finalement de me laisser tenter. Mais j’étais tout sauf confiant dans la réussite de cette entreprise...

Dimanche 28 juillet. C’est plein de doutes que je me présente au départ de l’IronMan de Hambourg, en Allemagne. Nous avons choisi cette destination car le parcours est quasiment tout plat, et Hambourg est une ville que j’aime beaucoup. Ma préparation s’est bien déroulée en ce qui concerne la course et à pied et surtout le vélo, mais je n’ai pas pu nager autant que j’aurais dû, ne faisant qu’une seule sortie de 3,8 km en piscine et me limitant le reste du temps à 2 km maximum. Même si j’ai peu à peu acquis de la confiance dans l’eau, la natation reste clairement mon point faible, et je ne suis jamais parvenu à prendre du plaisir dans l’eau.

Après être passé rapidement dans la zone de transition pour poser mes bidons d’eau et quelques autres affaires sur mon vélo (que j’ai dû amener dès hier soir), je me dirige vers la zone de départ. Je pars sur 1h45 de natation, ce qui est très lent, j’en ai bien conscience. Après m’être brièvement trompé de bloc de départ, je me range donc dans le bloc réservé aux plus lents. Le départ se fera en rolling start, c’est-à-dire que 4 athlètes seront envoyés dans l’eau à intervalles réguliers. Lorsque vient mon tour à 7h06 (les premiers étant partis à 6h40), je commence volontairement prudemment, car je sais que ce sera long, très long. J’éprouve toutefois très vite de mauvaises sensations, ne parvenant pas à rester en crawl plus d’une vingtaine de secondes à chaque fois. Le doute ne tarde pas à s’installer : et si j’abandonnais ? Si je ne me sens pas mieux, je n’arriverai jamais à faire 3,8 km dans ces conditions. Après avoir été à deux doigts d’annoncer mon abandon à un sauveteur situé non loin de moi sur une barque, je constate que mes sensations s’améliorent au fil du temps, si bien qu’il n’est bientôt plus question d’abandonner. Je mettrai probablement beaucoup de temps, mais je sortirai de l’eau, je sais que j’en suis capable.

C’est après un peu moins de 1h53 (soit 8 minutes de plus que prévu) que mes pieds touchent enfin terre. Je prends mon temps pour me changer avant d’enfourcher mon vélo et de partir pour 180 km. Les sensations sont relativement bonnes, si bien que je déroule sans problème jusqu’à atteindre le panneau des 130 km. La fatigue se fait ensuite de plus en plus sentir, de même que les tensions dans les muscles du dos à force d’être penché sur les prolongateurs. Je change donc de plus en plus souvent de position et termine à une vitesse encore acceptable les 180 km.

Après avoir manqué de tomber du vélo à l’entrée de la zone de transition (je ne m’attendais en effet pas à devoir descendre de selle aussi tôt), je troque mes chaussures de vélo contre celles de course à pied et me lance sur le parcours du marathon.

Avec plusieurs dizaines de marathons à mon actif, cette distance ne me fait pas du tout peur. Mais la confiance en un chrono correct ne tarde pas à s’estomper dès les premiers kilomètres : en effet, les efforts consentis auparavant, tant dans l’eau que sur le vélo, ne tardent pas à faire de la dernière partie de l’IronMan un enfer. Je dois régulièrement me résoudre à marcher, le temps de reprendre des couleurs. De très nombreuses personnes le long du parcours encouragent les coureurs, ce qui m’incite à ne pas lâcher. A l’issue du premier des quatre tours, nous passons à proximité de l’arrivée, où j’entends les speakers enchaîner les « You are an IronMan ! ». Je veux que l’on me dise ça à moi aussi, il est donc hors de question d’abandonner malgré mon état de fatigue. Je mettrai le temps qu’il faudra, mais je terminerai.

Après une quinzaine de kilomètres environ, je retrouve l’ami avec qui je suis venu ici et cours quelques kilomètres avec lui. Il a un tour d’avance sur moi, si bien que, même s’il est tout aussi « cramé » que moi, je sais que je ne le rattraperai pas. Je n’essaie donc même pas de gaspiller mes dernières forces inutilement et me concentre sur le fait d’avancer. Je le laisse finalement derrière moi et, alors que j’attaque mon dernier tour, le vois approcher de la ligne d’arrivée. Allez, plus qu’une dizaine de kilomètres avant la délivrance ! Je finis par troquer les gels énergétiques contre des biscuits salés Tuc, ce qui semble me réussir.

Lorsque j’aperçois enfin la ligne d’arrivée, j’enlève ma casquette, me redresse et fais en sorte de profiter au maximum des dernières centaines de mètres. Les lumières sur les bords du parcours brillent de mille feux, de nombreux spectateurs m’applaudissent et je tape dans la main de deux speakers, l’un d’eux étant ni plus ni moins que Daniel Unger, champion du monde de triathlon 2007. C’est d’ailleurs lui qui prononce cette phrase que j’attends depuis si longtemps : « Fabien, you are an IronMan ! ».

Je serre les poings et passe la ligne d’arrivée avec un large sourire. Je l’ai fait ! Yessssss !

Il est hors de question que je remette ça un jour, mais je l’ai fait, et je n’en suis pas peu fier. Moi, coureur passionné mais modeste triathlète, je suis arrivé au bout d’un IronMan.