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Grésivaudan 2021 – Le monde d’après ?

GresivaudanDL

Début d’année

Tendinite d’Achille, mollets hypertendus en limite de rupture, hernie « du sportif », hernie inguinale, puis apparition d’une sciatique bien douloureuse un mois avant la course avaient rythmé mon début d’année. Tout ça cumulé avec les annulations de dossards qui continuaient à s’enchainer, le moral n’était pas au beau fixe. Quelques courses virtuelles partagées entre amis pour se challenger et se motiver un peu, garder le contact et valoriser les km d’entrainement contribuaient à rester motivés et faire passer le temps plus agréablement, mais si le virtuel est rentré dans nos vies depuis plus d’an maintenant, le plaisir de courir sous dossard et vibrer physiquement ensemble manque cruellement.

Avant

Ma kiné m’a fait bosser plein de gammes différentes, renforts, gainage, assouplissements, respiration, j’ai refait mes semelles, modifié ma cadence de course, et beaucoup de choses ont fini par rentrer dans l’ordre.

A part cette satanée sciatique qui me cisaille les ischios quand je cours ou suis assis, et qui fait ressurgir l’ombre des hernies discales qui m’ont mis à terre deux fois déjà, le foncier est à peu près là, et 2 sorties d’une vingtaine de bornes les semaines précédant la course m’ont sinon rassuré, au moins préparé a minima. Je veux ce marathon, je veux le finir.

Jean-No Roadrunner38 en pleine mutation en ultratrailer alpin, lui qui prépare comme un forcené l’UT4M intégrale, pilote les opérations depuis quelques  semaines; nous avons reçu moult informations, propositions, précisions, recommandations …Puis il nous a concocté un programme dans la grande tradition des rendez-vous CLM, car oui, ce seront nos 3èmes championnats du Monde, après Béziers 2013 et Marne et Gondoire 2016.

Avec rando-trail pour éliminer les concurrents sur le marathon, pique-nique et dégustations de produits locaux avec la complicité de Colis38 épaulée par Grenouille et Picolette, c’est effectivement bien alléchant !

La veille

Un enchainement maîtrisé Air France – Flixbus m’amenait à Grenoble où mon compère Nono m’attendait, qui était monté en voiture de son Var d’attache.

A Vif, nous étions chaleureusement accueillis chez Colis 38, Carole aux fourneaux préparait le banquet de charge en glucides dans d’énormes fait-tout (arrosés de quelques bons breuvages, on est encore des sportifs de haut niveau !) pour quelques 35 éminents membres au bas mot, heureux de se retrouver enfin. Une grande tablée festive et gourmande remplissait le jardin, et les rires joyeux des convives ne furent finalement étouffés que par le couvre-feu…

La course

Logés et chouchoutés par Pascal et Sophie, nos adorables et hyper sportifs hôtes du Versoud, il était temps de rentrer dans nos personnages du jour, chemises à grandes fleurs, bermudas assortis, chapeaux, lunettes de soleil et croc’s rutilantes, les new Beach Boys étaient de retour !

Signe des temps, un petit protocole Covid est en place, gobelets individuels, port du masque  au départ sur la piste, et signature de la charte coureur, rien de très contraignant !

Vers7h30, après avoir retiré nos dossards, nous arrivions sur zone, et petit à petit les coureurs affluaient, image et ambiance presque oubliées. Sur le bitume de la piste de l’aérodrome du Versoud, une joyeuse troupe bariolée se constituait peu à peu sous l’œil interloqué des caméras de France 3 Alpes, Courir Le Monde renaissait des cendres  de la Covid.  Clown, bouffons, hippies, romain, Cochonou, M&M’s, pirates, licorne, Tintin, Dupond… ressuscités ! Au micro j’ai le temps de placer la légende de CLM et le plaisir de courir en croc’s, décidément, ça surprend toujours autant, nombreux sont les coureurs qui nous félicitent comme si on réalisait un exploit…

A 8h pétantes,  le départ est lancé, nous avons 10 minutes  pour quitter les lieux (1200 mètres de piste) après quoi les monoplaces reprendront leurs droits. Instant aérien naturellement, que ce petit peloton de 130 coureurs qui s’étire doucement sous le soleil matinal, face aux grands espaces, avec à bâbord le massif de la Chartreuse et sa dent de Crolles en ligne de mire, et la chaîne de Belledonne à tribord.

En sortie de l’aérodrome on bifurque vers le sud-est, pour commencer à longer l’Isère. On aura pour décor de fond Belledonne et le Vercors. Contrairement à Annecy en 2012, les montagnes sont là, (merci Carole de les avoir réinstallées !) et ravissent les yeux, pour peu que ceux-ci décollent des croc’s, ce qu’il en vont pas faire très naturellement aujourd’hui !

Il fait déjà chaud, on sait à l’avance que dans quelques heures  nous allons cuire à petit feu ; C’est donc très tranquillement qu’avec Nono on emprunte les chemins, entre petites routes départementales et sentiers stabilisés en bordure de bois ou de champs, alternant ombre et lumière. J’essaye de composer en ménageant plusieurs micro-objectifs, comme adopter et conserver une cadence de foulée plus rapide que dans mes habitudes sur les directives de ma kiné, rester à l’écoute de ma hernie du sportif, qui s’est bien calmée depuis quelques semaines, et adapter ma foulée à la fameuse sciatique évoquée plus haut. Je veux ce marathon, je veux le finir (bis).

Au 6eme km c’est  le 1er ravito en eau, France 3 Isère est déjà là ! Je repars en compagnie de Zeclown, qui me laissera filer au km10 lorsqu’il sent qu’il faut ménager la monture (1h03 – précision tout à fait inutile si ce n’est pour illustrer la fulgurante décélération qui se prépare)… Yvan « Le Gna », déguisé en chinois tout droit sorti des aventures de Tintin prend alors le relais, qui partagera la route avec Nono et moi jusqu’au demi-tour sur l’Isère au km 20. Il est très à l’aise, c’est parti pour  un long papotage qui nous ferait presque oublier un petit peu la montée inexorable du mercure ! Et on se régale de paysages montagneux spectaculaires en arrière plan, ainsi que des méandres de l’Isère, qui roule ses eaux jaunes (tiens, ça me rappelle un autre fleuve…), ou plutôt bronze.

Après une petite pause ravito, nous trottinons tranquillement en devisant sur la petite route au bitume récent, quand arrive le km12,5, et…

Le coureur décolle

Amorce dans la montée une rotation autour de l’épaule gauche

L’inertie est cruelle, la tête en s’enroulant

Entraine le corps, figure de style,

La pesanteur dit Oh !

Il atterrit dans un roulé boulé parfaitement maitrisé, note artistique 6.0.

Patatras !  Distrait, j’ai buté sur un pli du bitume, et comme à Jersey en 2019, je me vautre violemment. Genou en sang, coude râpé et épaule meurtrie,  je me relève un peu sonné. Mais je m’améliore, la tête n’a pas touché, la montre non plus ! J’ai fait peur à Yvan et Nono. Auto-check, le dos ne dit rien.

Nous reprenons la route, et moi les yeux par terre…

Km 20, 2h12, la chaleur monte, le rythme baisse…c’est le demi-tour sur l’Isère, Yvan change de compagnon de route au poste de ravitaillement, et continuera avec Laurence la coccinelle qui approche. Nous traversons le domaine universitaire de Grenoble, zone boisée aux architectures qui furent ultramodernes… en 1968 ! Beaucoup d’ombre par ici, parfois un léger souffle nous rafraichit. Le tandem Yvan -  Laurence nous rejoint, elle toute légère effleure à peine le sol lorsque nous nous enfonçons dans la grave, au bout de quelques petits km, on les laissera partir.

Globalement, la sciatique est bien présente, le long de la jambe droite, derrière l’ischio et à travers quelques éclairs irradiant les  2 jambes, mais reste supportable. Serait-ce l’effet endorphines ? L’IRM parlera demain !

Km 30, 3h40, grosse baisse de régime, la fournaise commence à nous écraser. Les passages au soleil sont des défis thermiques, la chaleur est maintenant renvoyée depuis le sol ; Avec Nono on adopte une tactique type Cyrano, alternant  2km de course et 1km de marche. Il a quelques ennuis digestifs qui le laissent sans force… un petit bruit de foulée nerveuse, clic-clac, clic-clac… c’est Marie-No qui nous a rattrapés, dans sa grande robe multicolore, pois et volants, et doucement mais sûrement elle nous décroche, filant vers le podium de sa catégorie.

Au ravito du km 34, nous avons droit à un petit supplément pirate fait maison, un punch arrangé gingembre offert par Alain, qui aurait pu faire office de potion magique, mais ça ne fonctionnera pas vraiment, il aura au moins relancé le sourire, du pur bonheur !

Le km suivant nous offre un petit endroit charmant caché derrière les arbres, c’est le Bois français, un petit lac aux eaux turquoises (si si je l’ai vu !) qui offre un peu de douceur aquatique aux locaux venus nombreux se rafraîchir, le parking que l’on traverse est bien rempli. Dan aujourd’hui en grande Dany, y fera un petit plouf, c’est son côté Moïse, il ne peut pas s‘en empêcher !

Dernier poste de ravitaillement, j’ai une grosse pensée pour les gentils bénévoles qui nous ont sans cesse insufflé de l’énergie depuis ce matin, tous ces sourires en maillot orange et noir rencontrés à chaque croisement…

On va s’éloigner du fleuve, et les virages s’enchainent maintenant. Moins de passages ombragés aussi, on n’en peut plus… de radiers en petit ponts, on approche le km 40, atteint en 5h10. Sur le petit pont routier, cadeau fielleux de l’Organisation qui semble vouloir notre peau, on fait un petit test de température en enlevant  une croc’s pour sortir des petits cailloux. Oh que ce n’était pas une bonne idée de poser le pied sur le bitume brulant !!

Par quelques ultimes virages nous sommes rentrés dans le Versoud, on entend les micros de la zone d’arrivée, et d’une foulée fière nous franchissons l’arche finale, avec cette joie du finisher, décuplée aujourd’hui après cette longue période de disette, de doutes et de frustrations…Enfin une vraie médaille !

L’après

Hélas, on n’avait que peu de temps pour trainer sur la zone d‘arrivée, car les bus, avions, ou voitures nous attendaient en milieu d’après-midi. Une douche express chez nos hôtes (mille merci vraiment !), et hop nous étions de nouveau attablés dans un petit établissement de Crolles pour célébrer nos médailles. Tradition de Championnat du Monde respectée, les caramels furent décernés, ainsi qu’une magnifique cuillère de bois, nos anti-podiums préférés !

Il était temps de séparer, après avoir pris moult rendez-vous  à l’automne, cette saison 2021 risquant fort d’être très chargée tant nous avions pris de retard sur nos rêves !!

IRM – suite

Le lendemain, l’IRM passée en fin de journée confirmait à ma grande surprise que ma croissance osseuse était terminée depuis longtemps, et qu’au contraire, comment dire, les choses n’allaient pas aller en s’arrangeant… Mais bon, « discopathie dégénérative » n’est pas un titre de film d’horreur, encore moins synonyme de mort imminente, mais simplement  la marque du temps qui passe!

 

TRAIL EN TERRES D'OC à La Salvetat sur Agout (34)
Cap-Ferret 2020, mon 1er marathon off
 

Commentaires 3

El Palmero le vendredi 25 juin 2021 06:56

Les récits CLM me manquaient et les tiens en particulier ... petit coquin tu as apprécié le Bois Français

Les récits CLM me manquaient et les tiens en particulier ... petit coquin tu as apprécié le Bois Français :p
Runnindoum le vendredi 25 juin 2021 11:46

Merci Maitre ! je vois que tu connais cet endroit dont j'ignorais l'existence jusqu'à ce que la grande Dany aille s'y rafraichir les ....

Merci Maitre ! je vois que tu connais cet endroit dont j'ignorais l'existence jusqu'à ce que la grande Dany aille s'y rafraichir les :p....
LeGna le mardi 24 août 2021 05:37

Doumé, j'étais passé à travers ce délicieux récit et… je ne regrette pas de le lire rétrospectivement tant il est bon de se plonger dans de merveilleux agréables moments pour préparer et se délecter prématurément de futurs à venir en attendant de les vivre pleinement. Merci pour cette belle et colorée à souhaits poésie

Doumé, j'étais passé à travers ce délicieux récit et… je ne regrette pas de le lire rétrospectivement tant il est bon de se plonger dans de merveilleux agréables moments pour préparer et se délecter prématurément de futurs à venir en attendant de les vivre pleinement. Merci pour cette belle et colorée à souhaits poésie :D;)
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Invité
mardi 19 mars 2024

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