Bon , d'abord , un petit retour en arrière:pourquoi aller courir 100 bornes ?

Question que beaucoup se posent à mon propos , y compris...moi-même ! Pour mes 50 ans , en 2017, je m'étais fixé deux objectifs sportifs : courir le marathon de Boston (le plus vieux du monde pour un nouveau « Vieux 2 ») et Millau . Boston a été un grand moment , « amazing » , et de belles vacances , mais une blessure m'a empêché de faire Millau...

Sauf que cela ne répond pas au « pourquoi » d'origine … Pour faire simple , c'était un « défi à la c... » relativement logique pour un marathonien , sachant que je côtoie pas mal de cinglés sur « Courirlemonde » (CLM) faisant des 100km comme d'autres un footing , que beau-papa a couru six 100 bornes dont deux fois Millau . Et Millau justement car c'est celui à courir si on en fait un , la Mecque du 100 bornes (plus vieille course sur route de France , toutes distances confondues, depuis 1972) comme New York pour le marathon.

La frustration du non départ en 2017 (j'avais pris mon dossard) sera une motivation supplémentaire (oui , un « peu » teigneux ).

Cette fois , pas de souci de santé et la prépa se déroule impec' mais , évidemment , avec des doutes pour cette première . J'ai la chance de bénéficier de conseils de « centbornards » expérimentés:Eric qui m'accompagnera sur le marathon (les 42 premiers km du 100) , deux fois Finisher ici , et les « Jean-... » ( trois Jean-Louis , deux Jean-Pierre … j'aurais peut être du me prénommer Jean-Patrice pour réussir???) . Le souci étant que ces extraterrestres ne fonctionnent pas comme moi:quand j'arrive à faire 115 km en une semaine (mon record à ce moment) , cela leur semble le « minimum syndical » (eh oui , un « Vieuxlion » peut faire plus de 200km en une semaine!)...

Pourtant , j'accumule les bornes (deux semaines avant Millau : 138 km avec 2h le samedi et le ,marathon de Rouen le dimanche en 4h...).

Et d'ailleurs , c'est « contraignant » cette prépa comme dirait PPette78 : il faut courir à la fois beaucoup de km et lentement , donc c'est chronophage... Et frustrant : en prépa marathon , on peut faire des semis à bonne allure ou au moins à allure marathon, un 10km le matin et ajouter une heure l'après midi...Là , non, il faut enregistrer cette allure ,qui semble si faible sur peu de temps, et éviter de se fatiguer...

Bon , le métier a été fait , c'est enfin le départ , dés le vendredi (pas cours l'après midi ,ouf ) car la course débute à 10h le samedi et Millau... c'est loin .

A mes côtés ,Eric donc , mais aussi Gilles de CLM (qui vient d'enchaîner les marathons de Berlin et Moscou les deux semaines précédentes!) et Raymond , mon beauf , qui sera mon accompagnateur à vélo (autorisé et même recommandé , à condition d'avoir un vrai cycliste car 100km , même lentement , il faut avoir le fessier entraîné ).

Le trajet est certes un peu long mais ça roule bien , sous le soleil , et nous arrivons vers 18h30 pour récupérer nos dossards avant d'aller à notre gîte , situé à 10km de Millau , sur le parcours (il ne faudra pas avoir des envies d'abandon au 90e...), pour déguster une excellente pasta à la sauce Roquefort , puis ...au lit , il y a du boulot demain .

Et on est déjà « demain » . Rdv pour quelques photos CLM avant le départ ( certains ne faisant « que » le marathon mais évidemment déguisés : les Converts , Graham notre Australien qui court avec ...son croco gonflable ) , précédé d'une « parade » dans Millau . 10H , c'est parti pour... longtemps .

Il fait beau , l’ambiance est bonne dans le peloton , encore groupé et frais , et nous partons à trois avec Eric et Gilles , « mon vélo » attendant avec les autres vers le 6e km , où nous le retrouvons sans souci grâce à la belle organisation avec des zones en fonction des dossards (tout de même 1379 fous inscrits sur le 100 et 355 sur marathon).

La première boucle constituant le marathon est superbe (beaucoup plus que la seconde) avec petits villages et châteaux perchés , entre montagne et rivière , et j'en profite en me disant que je serais sans doute trop fatigué plus tard pour regarder autre chose que mes pieds.

Je m'arrête à chaque ravito comme on m'a dit de le faire ,pour boire ,reposer les jambes... Après coup , cela me semble inutile car Raymond porte mon bidon et dans cette boucle je ne prends que des gels classiques . Assez vite , Gilles « glisse » derrière et gère sa course ainsi que sa popularité : il est déguisé (rare sur le 100 ) en Arlequin . C'était prévu après ce qu'il a enchaîné , par contre , mauvaise surprise pour Eric qui a une blessure tenace à la cuisse qui , après l'avoir laissé en paix ces derniers temps , se réveille et l'oblige à ralentir vers le 30e (côte de la Cresse). Ça , que mon lièvre disparaisse,ce n'était pas prévu...J'espère surtout qu'il pourra terminer ce qui serait son 30ème marathon ( il va réussir malgré la douleur , en 4h31 , chapeau).

Je continue donc , accompagné du seul Raymond , à mon rythme (5'45 au kilo) et je passe au marathon , à Millau , en un peu moins de 4h05 à mon chrono . Tout va bien , heureusement , et je repars … dans l'inconnu (jamais couru plus de 42,2 km) mais confiant . C'est même assez grisant !

Mais l'inconnu , c'est … ben ...nouveau … Je découvre ainsi que , bien qu'ayant en théorie des intestins en béton , ces derniers n'apprécient pas outre mesure d'être bringuebalés aussi longtemps et je suis obligé de faire un « arrêt technique » au ravito du 47e .

Bon , ça va mieux et nous voici repartis pour la 1ère grosse côte qui passe sous le viaduc . C'est superbe et je gère bien cette montée , à mon rythme mais en doublant déjà des coureurs/marcheurs .

Par contre , il fait chaud : le thermomètre devant une pharmacie indique 27° et pas d'ombre sur le parcours . J'ai mis une casquette depuis un moment et m'arrose copieusement à chaque arrêt (je suis passé aussi aux gels salés ).

Sur une course « normale » , on a toujours des « coups de moins bien » et sur un 100 , tous les chevronnés m'ont dit que obligatoirement ça m'arriverait mais que , par contre , cela pourrait aller mieux ensuite. Pour le « ensuite » , on verra mais entre le 55 e et 65e j'ai le droit à la première phase : nauséeux (je ne sais plus quoi manger … j'essaie les petits sandwichs au jambon , le coca...) , trouvant ça long voire ch... Et en plus , nous arrivons à la grosse côte de Tiergues . Les jambes vont bien pourtant et je cours « tranquillement » à mon rythme … mais il reste plus de 35 km et presque tout le monde marche . Alors je « m'oblige » (si si) à marcher une partie de la montée (2km ? ) par crainte de la payer ensuite .

Dans tous les cas , cela me permet d'arriver frais en haut avant de me lancer dans la descente vers St Affrique , sans me mettre dans le rouge non plus car je croise les premiers qui remontent et , à part pour le futur vainqueur (H . Seitz en …. 7h19!!!) , cela semble tout sauf de la rigolade.

Voilà , je suis à St Affrique , au km 71 (presque la Sarthe) , moment du demi-tour et … ça change tout dans la tête . Je suis CERTAIN que je vais finir et je me dis « plus que 29km » . Et le corps suit la tête : dans la remontée vers Tiergues , interminable (pas loin de 7km?) , je double et rattrape des coureurs qui craquent . Et ensuite , il y a presque 10km de descente ou faux-plat descendant , génial.

Cette fois, c'est moi qui croise les coureurs (tel Dan qui me prend même en photo , merci) encore à l'aller et les encourage (il leur reste les 4 grosses montées ).

Par contre , il commence à faire froid (13° au même thermomètre) et je change de t-shirt au ravito du 83e. La dernière difficulté arrive au 90e avec la remontée sous le viaduc mais la machine ne s'arrêtera pas maintenant et je monte régulièrement , en doublant encore . On enchaîne avec 2km de descente vers Millau : je vole … euh , non , en fait j'ai l'impression d'aller vite mais c'est 12 au kilo , ce qui me semble supersonique après 10h de course . 

Bonne surprise à l'entrée de la ville : Eric est là à vélo et il va nous accompagner jusqu'à l'arrivée . Deux accompagnateurs , quel luxe ! Ceci-dit , je suis dans ma bulle et je m'arrache la tronche en donnant ce qui me reste (oui , je sais , vraiment teigneux ) pour m'approcher des 10h30 que je m'étais fixés comme 2nd objectif (le 1er : finir ) . Je double encore mais que cette arrivée est dure : il fait nuit et Millau est mal éclairée , un p... de faux-plat qui n'en finit pas …

Cette fois , ça y est , j'entre dans le « parc de la Victoire » (ça ne s'invente pas ) , un dernier petit faux-plat (il en manquait?) , puis dans le gymnase . Centbornard , 10h32 , c'est fait .

Il me faudra un peu de temps pour me sentir mieux et pouvoir boire ou manger, j'ai tout donné :110e à St Affrique et 72e (encore la Sarthe) à l'arrivée .

Une demi-heure plus tard , après massage et douche (froide!) ça va déjà mieux et je suis apte à partager le repas d'après course avec mes deux accompagnateurs ainsi que quelques finishers CLM (Philippe 11h43 , son meilleur temps sans , pour une fois, s'être spécialement entraîné ,Quentin sur marathon puis Gilles:12h16 en compagnie de Cathy L , bondissante comme un cabri à l'arrivée , Zeclown et Valérie arriveront plus tard dans la nuit).

C'est donc l'heure du bilan .

Comme aux Césars/Oscars , d'abord les remerciements : à Cath,Trestan&Roman qui ont dû supporter cette prépa « contraignantes » ; à mes accompagnateurs sur ce we (Eric, Gilles et Raymond) ; à mes coachs particuliers (les Jean-Louis : Vieuxlion, Crocsman et Fournier , les Jean-Pierre:Laplume et JPE) et à tous ceux qui m'ont suivi en ligne sur la course .

La suite : satisfait de l'avoir fait et plutôt bien mais la distance ne m'a pas emballée , c'est évidemment long mais surtout le rythme est trop haché . Je préfère vraiment un « petit » marathon.

Seuls les imbéciles ne changent pas d'avis donc tout semble fait pour que Millau soit mon premier et dernier cent bornes .